A l’ère numérique, les formations évoluent vers un modèle hybride. C’est une transformation qui bouleverse non seulement l’apprentissage, mais aussi le travail des formateurs et formatrices. La facturation à l’heure d’animation semble de plus en plus déconnectée de la réalité des mandats. Heureusement, des solutions simples et efficaces existent.
Les formations hybrides – ou blended learning – présentent de nombreux avantages plébiscités par de plus en plus d’entreprises en Suisse romande. En tant que spécialistes de la formation, cela apporte un vent de nouveauté à nos pratiques pédagogiques, en nous permettant de repenser les choix d’activité, de format, de rythme, et d’accompagnement. Pourtant, malgré ces transformations importantes, de plus en plus demandées explicitement par les organismes de formation, peu d’entre nous, freelance ou organisations, ont révisé les grilles de rémunération utilisées jusqu’ici. Comment, en tant que concepteur·trice, valoriser le travail nécessaire pour répondre aux nouvelles attentes ? Comment, en tant que mandant, s’assurer de proposer des conditions tarifaires en adéquation avec de nouvelles ambitions ?
Cet article met en lumière comment l’évolution d’un modèle traditionnel à un modèle hybride bouscule nos modèles tarifaires. Il propose également un modèle pour concevoir des offres de formation adaptées à ces nouveaux contextes.
Changement de paradigme
Traditionnellement, la formation pour adultes était principalement axée sur des sessions en présentiel, avec un cadre clairement délimité et un contenu prédéfini. Ainsi, on facturait souvent – et on le fait toujours – à la journée de formation. Celle-ci comprenant l’animation du jour, mais également la préparation de la journée, la conception des supports de cours et des activités, l’évaluation des connaissances, voire de la formation. Dans le meilleur des cas, la création d’une nouvelle formation complète faisait l’objet d’une facturation supplémentaire pour le temps de conception.
Aujourd’hui, le paysage de la formation a radicalement changé. Les technologies numériques ont permis de créer des environnements d’apprentissage plus interactifs et personnalisés. Conception, tutorat, animation, facilitation: les rôles évoluent et font appel à une variété de ressources et d’activités. Les apprenant·es, de leur côté, ont acquis davantage d’autonomie, explorant, collaborant et créant du contenu.
Solutions pour des contextes hybrides
Le modèle ADDIE, modèle de conception pédagogique largement reconnu, peut servir de guide pour naviguer dans ces changements. ADDIE signifie Analyse, Design, Développement, Implantation et Évaluation.
Le modèle ADDIE :
Analyse : définition des besoins et cahier des charges
Design : création de la scénarisation pédagogique
Développement : création des médias
Implantation : animation, accompagnement synchrone / asynchrone
Évaluation : mesure de la qualité du dispositif
Prises individuellement, les phases de ce modèle permettent de mettre en lumière le travail réalisé, souvent fortement sous-estimé par les concepteur·ices. En effet, c’est en rédigeant le travail effectué à chacune de ses phases que nous prenons conscience du volume conséquent de travail en plus : au-delà de la création de contenus supplémentaires et interactifs, le temps dédié au suivi et à l’accompagnement, la diversité des supports et la gestion administrative dépassent largement le temps anticipé.
De ce constat, nous pouvons identifier deux types d’offres de formation :
- Une offre de conception, liée aux premières phases, Analyse, Design et parfois une partie du Développement
- Une offre de réalisation pour les phases de Développement et Implantation, et parfois la phase d’Évaluation.
L’offre de conception comprend une analyse approfondie des besoins, la création de scénarios d’apprentissage et d’accompagnement, la création de contenus et de ressources numériques, et la mise en place de plateformes et d’applications pour faciliter l’apprentissage.
L’offre de réalisation, quant à elle, doit inclure la communication avec les personnes apprenantes, l’animation de sessions de formation, l’évaluation des acquis, et la mise à disposition de matériel sur une plateforme de formation.
Quels sont les éléments à valoriser dans une offre ?
Les tableaux ci-dessous proposent un exemple de grilles à compléter lors de la rédaction d’offres. Ils ne sont pas exhaustifs et sont évidemment à adapter selon la demande. Ils favorisent la visualisation du temps et de la valeur fournie, autant pour les prestataires que pour les entreprises clientes.
OFFRE DE CONCEPTION
Analyse des besoins | Atelier de revue des besoins |
Entretiens auprès du public-cible | |
Rédaction d’un cahier des charges | |
Scénarisation du dispositif | Scénario d’apprentissage |
Scénario d’accompagnement | |
Scénario médiatique | |
Plan de communication | |
Guides d’animations | |
Contenus / ressources | Création numérique (vidéo, e-learning, etc.) |
Storyboarding | |
Rédaction de ressources | |
Création d’activités pour synchrone | |
Création des images | |
Plateforme / Applications | Licences sur les outils |
Paramétrages des applications, de visioconférences, LMS, etc. | |
Création ou mise à jour des ressources, par ex. padlet, mentimeter |
OFFRE DE RÉALISATION
Communication | Rédaction de modèles de textes |
Envoi, adaptations et réponses | |
Animation | Journée / heures (y.c. trajet et repas) |
Suivi des questions sur espaces d’échanges (forum, mail, etc.) | |
Tutorat à distance | |
Paramétrages de mise à disposition des contenus | |
Organisation logistique des journées | |
Evaluation | Evaluation des acquis |
Lecture, compilation et synthèse des productions | |
Matériel | Mise à disposition sur plateforme de formation (LMS, etc.) |
Applications d’animation | |
Application de visioconférence |
Trois question à se poser pour bien délimiter la prestation
Dans le temps qui sera consacré à la conception, quelle part relève de la montée en compétence de l’intervenant·e et d’une phase de recherche personnelle ? Il faut parfois comparer des solutions, consulter des exemples, prendre en main des outils et développer de nouvelles compétences. Il s’agit d’identifier quelle part de ce travail doit être couverte par l’organisme mandant.
Combien de cours / participants pour rentabiliser la conception ? Dès le moment où une grande part du travail consiste à créer des éléments réutilisables (parcours, communication, médias, modules e-learning,…), le travail nécessaire pour animer une première session est plus important mais il pourra être réutilisé. Il faut alors parfois réfléchir au-delà de la première session, et calculer la rentabilité sur plusieurs sessions.
A qui appartient ce qui est conçu ? Corollaire des deux questions précédentes, celle-ci permet de décider qui paye quoi : les contenus pourront-ils être réutilisés pour des cours donnés pour un autre organisme ? Dans ce cas c’est l’intervenant·e qui devrait en assumer une part des coûts puis les rentabiliser par d’autres mandats. Ou est-ce que l’organisme mandant devient propriétaire de toute la conception et peut en confier le produit à un·e autre intervenant·e ? Il est alors normal qu’il soit valorisé et vendu en tant que produit à part entière. D’autres modèles existent également, telle que la licence d’exploitation.
On l’a déjà dit: pour s’adapter aux nouvelles demandes du marché de la formation, une facturation à la journée n’est plus suffisante. Même s’il y a certainement d’autres manières de procéder, cette proposition offre une grille simple et efficace pour bien identifier l’ensemble des prestations fournies ou demandées, et ainsi les facturer de façon transparente et juste.
Article initialement paru dans le 17ème numéro de TRANSFERT, revue de l’Association Romande des Formateurs. Le contenu s’appuie sur la synthèse d’un atelier en ligne du groupe Meetup Digital Learning Suisse romande. Merci aux participant·es pour leurs contributions.
Cette analyse le montre, au-delà de l’aspect du coût, il est essentiel de ne pas passer trop tôt en phase de réalisation d’un projet de formation. La conception est une étape clé, demandant un savoir-faire spécifique et menant à ses propres livrables. C’est pour cette raison qu’e-teach propose une prestation d’analyse visant à détailler une intention de formation afin de concevoir une solution adaptée. Une conception pédagogique bien menée permet ensuite d’affiner une offre, mais également parfois de réorienter un projet de formation afin d’améliorer son impact. N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus !
La méthode ADDIE est excellente car elle permet de distinguer toutes les étapes qui rentrent dans la conception et la mise en oeuvre d’un parcours de formation en blended learning.
Les 2 offres (conception et réalisation) permettent d’avoir des arguments pour facturer aisément et en toute transparence.
L’article est instructif et édifiant.